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J’ai engagé un tueur…

— Tu te souviens de ce film de Kaurismäki . me demande-t-elle, comme pour masquer sa gêne.

“J’ai engagé un tueur” . Oui, je me souviens, mais je prétends le contraire.

Ce jour-là, je me rappelle que je n’avais pas eu envie de courir les magasins du boulevard Saint-Michel et je crois qu’elle non plus. L’Action Christine était une bonne alternative, Jean-Pierre Léaud dans un film d’Aki Kaurismäki. Joe Strummer en chanteur esseulé après le split du Clash ; on comblait comme nous le pouvions le vide et l’ennui qui désormais s’étaient installés entre nous.

Une scène pourtant me revient à l’esprit, et pour cause. Jean-Pierre Léaud pénètre dans un bar sur les accords étouffés d’une Télécaster. Joe Strummer est tout de noir vêtu, il a la silhouette des rockers d’antan, Gene Vincent, Johnny Kidd ; il est de retour à l’essentiel, aux racines… Mais, sous-jacente, la rage est contenue, le rock´n’roll a toujours été ma Rive Gauche, alors qu’elle, si mes souvenirs sont bons, rêvait gentiment du Flore et de son folklore.

Aller au cinéma le samedi après-midi n’était pas dans nos habitudes, enfin, pas dans les siennes. Je sais qu’elle aurait préféré qu’on rejoigne ses amies rue de Rennes, qu’on discute chiffons ou encore, projets de vacances à la Baule. Pour elle, l’amour était une sorte de verticalité, l’ascension marche après marche d’un mont dont je discernais à peine les pourtours, alors que pour moi, l’horizontalité était déjà assez compliquée comme ça.

La salle de l’Action Christine était quasi vide, et l’on s’y était installé non loin de l’écran, les vêtements couverts de cette bruine de novembre. Quelques mois auparavant, mon épaule recevait encore son visage et sa bouche cherchait encore mon cou. Les images étaient maintenant un parfait alibi pour s’ignorer.

Joe Strummer a égrené sa chanson, elle s’est levée, je crois qu’elle aurait bien voulu m’embrasser avant de partir, pas comme la première fois, évidemment, mais comme deux bons amis qui se souhaitent bon vent et que la vie remettra peut-être un jour sur la même route.

Je suis confus, après toutes ces années je ne m’attendais pas à la rencontrer. La petite fille qu’elle tient par la main lui ressemble, elle est son portrait craché. Je me sens idiot, je coupe court à la discussion en prétextant être attendu. On se quitte sans même se serrer la main. Nous sommes des étrangers, la vie s’est chargée du reste, et puis je ne peux pas lui avouer que ma femme m’attend avec ses amies à la terrasse du Cassette, que je les écouterai parler chiffon et sans doute, organiser nos prochaines vacances en Bretagne. Comme souvent, je serai ailleurs, dans ce bar à écouter Joe Strummer…